Revue Phytothérapie (Springer), juin  2016

La famille botanique des Alliacées est constituée de plantes herbacées à bulbe appartenant à la classe des monocotylédones. Parmi ses plus illustres représentants, elle compte l’ail et l’oignon ainsi que l’échalote, le poireau, la ciboulette et la ciboule. Ces six végétaux appartiennent...

au genre Allium. Avant d’être récemment promues au rang de « famille » à part entière, les Alliacées constituaient un sous-groupe des Liliacées (famille dans laquelle figurent le lys, le muguet, la jacinthe, la tulipe, le narcisse, la jonquille…).

Les plantes du genre Allium possèdent de nombreuses caractéristiques distinctives… à commencer par leur odeur et leur goût singuliers, particulièrement marqués dans le cas de l’ail (dont le nom serait d’origine celtique, le terme all signifiant âcre, c’est-à-dire piquant et irritant). Toutefois, cette odeur particulière apparaît uniquement lorsqu’on coupe, hache ou écrase le bulbe de la plante : au moment où les parois des cellules sont rompues par le couteau, ces dernières libèrent en effet une enzyme (l’alliinase) qui transforme les composés soufrés du bulbe en allicine. C’est cette molécule volatile qui est responsable des propriétés aromatiques - et aussi antibactériennes et antifongiques - des Alliacées.

Le berceau de l’ail cultivé (Allium sativum) se situe en Asie Centrale, dans une vaste zone en forme de croissant s’étendant de la mer Caspienne jusqu’aux confins de la Chine. L’oignon [1] (Allium cepa) est, lui aussi, probablement originaire d’Asie : on le trouve encore aujourd’hui à l’état sauvage en Iran, en Afghanistan, au Pakistan… Dès l’Antiquité, ail et oignon étaient largement consommés en Europe, les Grecs et les Romains en faisant un grand usage. En France, un texte officiel datant de la fin du VIII° siècle ou du début du IX° siècle atteste de leur culture. Ce document est le célèbre capitulaire De Villis : cette ordonnance promulguée par Charlemagne (et comportant plusieurs chapitres, d’où son nom) dresse la liste des 94 végétaux dont le futur empereur ordonne la culture dans les jardins des palais, monastères et domaines relevant de son autorité.

En revanche, l’origine géographique de l’échalote (Allium ascalonicum) demeure inconnue : à ce jour, on n’a jamais retrouvé d’échalote à l’état sauvage, même si des espèces apparentées ont été identifiées en Asie centrale, en particulier en Iran et au Turkménistan. Son nom d’échalote (ascalonicum) vient de la légende selon laquelle les Croisés l’auraient découverte en Terre Sainte, près de la ville d’Ascalon (aujourd’hui Ashkelon, en Israël). En réalité, l’échalote était déjà cultivée en France au moins trois siècles avant la première Croisade : l’ascalonica est en effet mentionnée elle aussi dans le capitulaire De Villis. Les variétés d’échalotes cultivées et consommées aujourd’hui sur notre territoire sont principalement l’échalote de Jersey (de couleur rose) et l’échalote grise (moins courante).

Le berceau du poireau (Allium porrum) est, lui aussi, incertain : cette Alliacée pourrait avoir été domestiquée au Moyen-Orient. En revanche, on sait de façon sûre que le poireau était déjà cultivé par les paysans de l’Egypte antique il y a plus de 4.000 ans. En France, il est mentionné à l’époque carolingienne. Le poireau fait aujourd’hui partie des 10 légumes les plus consommés en France : il occupe la 9° place, derrière l’oignon qui, lui, se situe en 5° position (données KANTAR, 2012-2014).

Haute de 10 à 20 cm, la ciboulette (Allium schoenosprasum) est également originaire d’Asie. Cette plante, dont l’ancien nom était la civette, est une de nos plus célèbres « fines herbes ». Deux fois plus haute que la ciboulette, la ciboule (Allium fistulosum) est probablement issue d’un ail sauvage de Sibérie et de Mongolie : elle a d’abord été cultivée dans l’ouest et le centre de la Chine avant d’être diffusée vers le Japon puis l’Europe. Sous son nom ancien de cive, la ciboule n’apparaît dans des textes français qu’à partir de la Renaissance (XVI° siècle).

Une consommation très ancienne…

Il y a environ 4000 ans, les habitants de l’ancien royaume de Babylone en Mésopotamie (Irak actuel) consommaient déjà régulièrement ail, oignon et poireau. Des recettes de cuisine datées du XVII° siècle avant l’ère chrétienne en témoignent. Au nombre de trente cinq, ces recettes sont, à ce jour, les plus vieilles du monde : écrites en signes cunéiformes sur trois petites tablettes d’argile, elles ont été exhumées des réserves de l’université américaine de Yale à la fin du XX° siècle. Aulx, oignons et poireaux figurent ainsi, entre autres exemples, dans la liste des ingrédients nécessaires à la préparation d’un « bouillon de mouton entier »… dont nous ne connaîtrons jamais la véritable saveur ! La recette (sommaire) a été traduite par Jean Bottéro, le grand spécialiste du Moyen Orient antique : « Il n'y faut pas d'autre viande que du salé. Tu mets en place de l'eau; tu y ajoutes de la graisse; de la cuscute à suffisance [plante grimpante de la famille des liserons], de l'oignon et du samidu [ingrédient non identifié], de la coriandre, du cumin, du poireau et de l'ail, La marmite posée sur le fourneau, c'est prêt à servir ».[2]

Dès le troisième millénaire avant notre ère, les Egyptiens avaient eux aussi intégré les Alliacées à leur menu. Chez les habitants des rives du Nil, l’ail et l’oignon étaient réputés prodiguer une grande force physique. C’est pourquoi ces deux bulbes faisaient partie de la ration distribuée aux ouvriers qui édifièrent la grande pyramide de Khéops vers 2600 av. J.-C. Deux mille ans plus tard, le grec Hérodote signale que les quantités d’aulx et d’oignons fournies à ces travailleurs figurent gravées sur la pyramide elle-même. Ail et oignon sont également représentés sur des peintures ornant les murs de tombes égyptiennes. On a même retrouvé des « modèles » de bulbes en argile encore plus anciens (3750 ans av. J.-C.) ainsi que des têtes d’ail entortillées de bandelettes comme les momies ! Considérés comme des biens précieux, ces bulbes pouvaient aussi servir de monnaie. Au fil du temps, les Egyptiens finirent par élever l’ail et l’oignon au rang de divinités (ils juraient même « par l’ail » et « par l’oignon » comme ils le faisaient avec les noms de leurs autres dieux !) Conséquence de cette ascension sociale : l’ail et l’oignon, devenus aliments divins, virent leur consommation strictement encadrée.

En revanche, ces restrictions alimentaires ne s’appliquaient pas aux Hébreux qui avaient été déportés et réduits en esclavage par les Egyptiens. Mais en s’évadant d’Egypte sous la conduite de Moïse, les fugitifs furent privés d’aulx, d’oignons et de poireaux pendant les quarante années que dura leur errance dans le désert du Sinaï. Quelques lignes de l’Ancien Testament font référence à cette frustration alimentaire : « Nous nous souvenons des poissons que nous mangions en Egypte et qui ne nous coûtaient rien, des concombres, des melons, des poireaux, des oignons et des aulx. » (Nombres, XI-5).

A l’instar des Egyptiens, Grecs et Romains attribuaient à l’ail le pouvoir de donner de la vigueur aux guerriers, aux athlètes et aux travailleurs manuels (ainsi qu’aux coqs de combat dont la ration comportait toujours des morceaux d’ail). Les légionnaires de Rome en consommaient de grandes quantités et leur image souffrait des mauvaises exhalaisons que leur corps dégageait. Cette odeur forte que l’ail conférait à l’haleine et à la sueur en faisait un condiment peu prisé des membres de l’aristocratie romaine. Il en avait été de même chez les Grecs dont les prêtres avaient interdit l’entrée de certains temples (notamment celui de Cybèle) à ceux qui avaient mangé « la rose qui pue ». Cette odeur désagréable expliquera aussi la répulsion des musulmans vis-à-vis de l’ail : selon la tradition, cette plante aurait poussé dans l’empreinte du pied gauche de Satan lorsque celui-ci fut chassé du Paradis (l’oignon, lui, serait apparu dans la trace laissée par le pied droit). Un hadith (une parole du Prophète) est, sur ce point, explicite : « Que celui qui mange de l’ail, de l’oignon ou du poireau n’approche pas nos mosquées pendant trois jours, car les anges sont indisposés par ce qui indispose l’être humain. » [3] Selon d’autres commentaires, le fait de cuire ces Alliacées avant de les consommer lèverait cet interdit (leur mauvaise odeur serait en effet atténuée). Bien avant la naissance de l’Islam, les prêtres Juifs exprimaient eux aussi un semblable mépris pour les mangeurs d’ail. Le Talmud de Babylone formule le conseil suivant : « Celui qui a mangé de l’ail, laisse-le partir. »

Le poireau, on l’a dit, était systématiquement présent dans les potagers des Egyptiens de l’Antiquité, aux côtés de l’ail et de l’oignon. Au V° siècle av. J.-C., le médecin grec Hippocrate cite également le poireau parmi les légumes les plus cultivés en Grèce. Les Romains, à leur tour, en firent une grande consommation. Comme tous les légumes du jardin et les fruits du verger, les poireaux étaient considérés comme les aliments les plus civilisés : ils étaient en effet issus d’un espace (l’hortus) cultivé par l’homme en permanence (sans jachère) et capable de produire des aliments toute l’année (à la différence des terres labourées dédiées aux céréales et aux légumineuses). Au I° siècle, le cruel empereur Néron, dit-on, mangeait régulièrement des poireaux, pour éclaircir sa voix : c’est la raison pour laquelle on le surnommait le « porrophage ».

Les Alliacées, légumes phares du potager médiéval

Un document de la fin du Moyen Âge - un bail daté de 1438 - nous donne une vision précise des végétaux cultivés dans un potager situé au cœur de la ville d’Aix en Provence. Sur les vingt-quatre « carreaux » que mentionne ce bail, les oignons en occupent huit (autant que les choux) et les poireaux trois (autant que les fèves). Quatre variétés d’oignons ont été implantées : oignons dits de la saint-michel (leur période de maturité), oignons de la saint-martin, oignons d’août et oignons tardifs. Aux côtés des choux et des fèves, les poireaux et les oignons du potager domestique jouent donc un rôle vital, au sens littéral du terme : ils permettent d’atténuer les conséquences d’une mauvaise récolte de céréales, celles-ci constituant la base de l’alimentation populaire. Avec les autres produits du jardin (dont les poules et les lapins) et ceux issus de la cueillette, de la pêche et du braconnage, ces deux Alliacées contribuent à la variété de la ration alimentaire médiévale. Et, en temps de crise, à la survie d’hommes et de femmes en permanence confrontés au risque de manquer de nourriture.

Au Moyen Âge, l’ail, l’oignon et la ciboule étaient considérés comme des légumes à part entière et non comme des condiments ou des aromates. A l’instar des autres légumes et herbes du potager, les Alliacées étaient consommées sous deux formes principales : la soupe (légumes cuits dans l’eau) et les porées. La soupe mitonnait à petit feu dans l’âtre sans nécessiter trop de surveillance, ce qui permettait à la mère de famille de se consacrer à ses autres activités. Ce bouillon de légumes et de légumes secs (parfois agrémenté de lard) était versé sur la tranche de pain déposée au fond de l’écuelle (au Moyen Âge, le terme de soupe désignait cette tranche de pain, d’où l’expression : « être trempé comme une soupe »). Quant à la « porée », très souvent citée dans les textes de cette époque, elle ne désignait pas nécessairement une préparation à base de poireaux. Le mot pouvait en effet revêtir deux autres significations : un mélange de légumes (choux, blettes, poireaux, navets, oignons…) ou un plat constitué de légumes grossièrement hachés. Dans Le Mesnagier de Paris – un recueil de la fin du XIV° siècle écrit par un bourgeois anonyme à l’intention de sa jeune épouse -  apparaît l’appellation « porée blanche ». Celle-ci est réalisée avec des blancs de poireaux, des oignons et des morceaux de viande de porc (les jours maigres, la viande est absente et le lait de vache est remplacé par du lait d’amandes).

A l’instar de l’ail et du poireau, l’oignon se cultive aisément et, on l’a vu, il est systématiquement présent dans les potagers médiévaux. Abondamment consommé par les petites gens, on lui prête de nombreux pouvoirs comme celui d’être diurétique et laxatif, de calmer la douleur (on l’utilise alors en cataplasme) et de détenir des pouvoirs aphrodisiaques. A l’aube de la Renaissance, l’oignon sera par ailleurs une des premières plantes européennes à être cultivées en Amérique après y avoir été introduite par Christophe Colomb.

Les Alliacées étaient les aliments les plus méprisés par les élites médiévales !

Si elles occupaient une place importante dans l’alimentation des paysans et des travailleurs urbains du Moyen Âge, les Alliacées étaient en revanche très peu consommées par les élites sociales. Leur image de nourritures « populaires » - statut qu’elles partageaient avec tous les autres légumes et les légumes secs – leur valait d’être méprisées par les membres de l’aristocratie. Ces derniers tenaient en effet à se distinguer nettement des gens du peuple, ces « ventres à choux » et « mangeurs d’ail » : il convenait en effet de « manger selon sa qualité », c’est-à-dire en fonction de son rang dans la société.

Mais l’ail, l’oignon, l’échalote et le poireau étaient frappés d’une indignité supplémentaire. En effet, la partie comestible de ces Alliacées présente la particularité de croître dans la terre, sous la surface du sol. Or, pour les mentalités médiévales, la terre représentait l’élément de l’univers le moins noble de tous, le plus dévalorisé. Il était surpassé par l’eau, elle-même dominée par l’air, lui-même inférieur au feu, le premier des quatre éléments de la Création. Chaque être vivant, végétal ou animal (et donc chaque aliment), était associé à l’un de ces quatre « compartiments ». Parce qu’ils poussaient dans la terre, les légumes occupaient donc une position « vile » tandis que les fruits et les grains de céréales étaient au contraire considérés comme nobles car se développant au contact de l’air (élément associé au ciel… qui est le séjour de Dieu, des Saints et des anges). Pour toutes ces raisons, à la fois sociales, symboliques et religieuses, l’aristocratie médiévale privilégiait les céréales nobles (le blé ou « froment », qui donnait le pain blanc, expression de la pureté), les fruits ainsi que les grands volatiles sauvages comme les hérons, les cigognes, les cygnes, les grues, les paons ou encore les faisans. Se déplaçant dans les hauteurs de l’élément air, ces grands oiseaux convenaient en effet aux personnes « dominantes », aux individus de rang social « élevé ».

Les choses étaient en réalité encore plus complexes car une hiérarchie interne existait au sein même du groupe des légumes. Parmi eux, les plus méprisés étaient ceux qui portaient le nom de « bulbes », essentiellement les Alliacées : leur partie comestible étant souterraine, ils étaient situés au plus bas de la hiérarchie naturelle. Les « racines » (végétaux dont les paysans mangeaient la racine, comme le panais, la carotte ou le navet) étaient un peu moins honnies par les nobles. Les « herbes » - c’est-à-dire les légumes dont on consommait les feuilles (choux, bettes, épinards, salades, etc) - se situaient sur un échelon supérieur de cette « grande chaîne de l’être ».

Cette image associée aux légumes et, en particulier, aux « bulbes » d’aliments ignobles (ne pouvant convenir aux nobles) perdura longtemps. Au début du XIV° siècle, Alphonse de Castille interdit par décret que paraissent à sa cour les chevaliers ayant mangé de l’ail ou de l’oignon. Et deux siècles plus tard, Shakespeare s’accordait avec son contemporain Cervantes pour recommander aux personnes bien nées de ne manger ni oignon ni ail : cela aurait été le signe d’une « grossière » origine paysanne.

A partir de la Renaissance (XVI° siècle), les légumes vont cependant connaître un début de réhabilitation de la part des élites françaises. Désireux d’imiter les mœurs raffinées des cours princières italiennes, les nobles redécouvrent les légumes indigènes et recherchent avidement des nouveautés comme le chou-fleur, l’artichaut, le cardon, l’asperge… Au siècle suivant, la place des légumes s’affirme (on sait que Louis XIV en fut un grand amateur). Au milieu de ce « grand siècle » apparaît ce que l’on nommera (déjà !) la « nouvelle cuisine ». Une des caractéristiques marquantes de cette révolution culinaire réside dans la volonté de mieux respecter « le goût naturel des aliments ». Un goût que masquaient les prestigieuses et coûteuses épices exotiques utilisées « à grand foison » lors des banquets princiers. En 1654, l’agronome Nicolas de Bonnefons – il est aussi valet de chambre du Roi Soleil - déclare ainsi qu’un potage aux porreaux (poireaux) doit sentir « entièrement le porreau ». Les Alliacées commencent à conquérir les tables des élites de notre pays et la ciboulette fait partie (avec la menthe, le thym, le laurier, etc) des herbes aromatiques indigènes qui deviennent à la mode : leurs parfums discrets et subtils sont désormais préférés aux saveurs et arômes trop puissants des épices. Au XVIII° siècle, le « retour à la Nature » prôné par Rousseau met encore davantage en valeur les produits issus de la terre, ce qui bénéficie aux Alliacées.

Des plantes dont les vertus médicinales ont été vantées dès l’Antiquité

De l’Antiquité jusqu’au XIX° siècle, les hommes n’ont eu de cesse de célébrer l’ail pour ses vertus thérapeutiques. Les médecins des toutes premières civilisations en avaient déjà fait l’un des éléments essentiels de leur pharmacopée. L’ail est ainsi très souvent cité dans le papyrus Ebers, un traité de médecine égyptien datant de plus de 3500 ans. Dans ce document, il se voit même attribuer le statut de panacée, c’est-à-dire de remède universel. De façon empirique, les Egyptiens avaient compris que l’ail possédait des vertus antiseptiques. La science moderne a confirmé que le principal constituant actif de l’ail, l’allicine (la molécule soufrée volatile qui confère au bulbe sa flaveur particulière) était efficace contre certaines bactéries. Les hommes des rives du Nil voyaient également dans l’ail un vermifuge efficace : ils disposaient un collier d'ail autour du cou des personnes infectées par des vers intestinaux (au I° siècle, le médecin grec Dioscoride prescrira lui aussi l'ail pour nettoyer ces parasites du corps).

Il y a près de 2000 ans, le naturaliste romain Pline l’Ancien (23-79) affirmait que l’ail « neutralise tous les venins, guérit la lèpre, l’asthme et la toux ». Comme le faisaient les Egyptiens et les Grecs avant eux, les Romains disposaient des morceaux d’ail sur les plaies causées par les morsures de serpents et de scorpions, ainsi que sur les piqûres d'insectes.

Lors des épidémies de peste, de choléra ou encore de typhus, l’ail fut également utilisé, aux côtés d’autres plantes aromatiques, pour purifier l’air et le débarrasser de ses dangereux miasmes. Au XVIII° siècle, ses propriétés antiseptiques ont suscité un regain d’intérêt avec la découverte du « vinaigre des quatre voleurs ». En 1726, quatre brigands avaient utilisé une macération d’ail pour se protéger contre la peste qui décimait la population de Marseille. Grâce à cet andidote, on racontait qu’ils avaient pu détrousser les cadavres et piller les maisons sans être contaminés par le bacille.

Ces multiples vertus attribuées à l’ail lui ont valu d’être qualifié de « thériaque du pauvre » (à l’origine, la thériaque était une préparation pharmaceutique constituée de plusieurs dizaines de substances et considérée comme un remède à tous les maux).

Si l’ail faisait l’objet d’un large consensus médical, l’oignon était en revanche controversé (ce qui n’empêchait nullement sa consommation par les gens du peuple). Certains auteurs de l’Antiquité et du Moyen Âge lui attribuaient de nombreux atouts santé, tandis que d’autres recommandaient au contraire la plus grande prudence. Au V° siècle av. J.-C., Hippocrate jugeait l’oignon néfaste à la santé en raison de sa trop grande chaleur, qui desséchait et échauffait l’organisme. Dix siècles plus tard, le médecin Anthime considérait que ce bulbe était mauvais pour le corps parce qu’il produisait une trop grande quantité d’humeurs. Le grand philosophe et médecin persan Avicenne (X° siècle) déconseillait lui aussi fortement l’oignon, estimant que « sa substance est vénéneuse ». Un autre grand médecin, Isaac le Juif, allait même jusqu’à affirmer qu’il « prédispose à la folie à cause de ses émanations malsaines qui, remontant de l’estomac, s’emparent du cerveau ». A l’inverse, le traité médiéval Tacuinum sanitatis créditait l’oignon de nombreux bienfaits : selon ses auteurs, il provoque les urines, augmente la puissance du coït, aiguise la vue, convient aux complexions froides, aux décrépits et pendant l'hiver. Mais Platéarius, au XII° siècle, déclarait que « l’oignon ne devrait pas être consommé cru ni en grande quantité car il peut nuire à la vue et aussi au corps si l’on en use sans mesure ; il engendre la lèpre, l’apoplexie et bien d’autres maux. ». Sa contemporaine Hildegarde de Bingen recommandait elle aussi l’oignon cuit car, alors, il devient bon pour les yeux et permet de lutter contre la fièvre et la goutte.

A l’époque dite moderne (XVI° au XVIII° siècle), faisant fi de ces anciennes querelles, l’oignon sera néanmoins embarqué systématiquement à bord des navires pour pallier l’absence de fruits et de légumes frais pendant les longues traversées : sa richesse en vitamine C permettait de prévenir le scorbut.

Quant au poireau, il est qualifié par Hippocrate de purgatif, laxatif et diurétique. Au XII° siècle, Platéarius prétend qu’il « n’est point bon comme nourriture, car il nuit à l’estomac en y provoquant des gonflements et des ventosités (…] ou bien alors, il faudra cuire le poireau et le laver deux fois avant de le manger ». L’auteur du Livre des simples médecines reconnaît cependant que le poireau « est utilisable en médecine parce que, mangé cru, il nettoie les conduits du poumon des grosses humeurs et débouche le foie. ». Sa contemporaine, l’abbesse Hildegarde de Bingen, affirmait quant à elle que le poireau provoque des inquiétudes pendant le plaisir d’amour… Un plaisir que l’ail, au contraire, avait la réputation d’aiguiser (voir l’encadré ci-dessous).   

L’ail, Viagra du Moyen Âge ?

Un souverain français s’est distingué par son goût immodéré pour l’ail. Dès sa naissance en 1553 au château de Pau, le futur Henri IV fut initié au goût de l’ail par son grand-père. Henri d’Albret se serait saisi d’une gousse et en aurait frotté les lèvres du nourrisson en s’exclamant : « Va, va, tu seras un vrai béarnais ! » Tout au long de sa vie, le bon roi Henri eût la fâcheuse réputation d’empester l’ail… mais aussi d’avoir séduit d’innombrables femmes (d’où son surnom de Vert Galant). Si l’ail était censé donner aux ouvriers et aux soldats une grande vigueur, celle-ci était en effet autant sexuelle que physique. A tel point qu’au Moyen Âge, la grande école de médecine de Salerne, en Italie, suggérait aux femmes d’en faire manger à leurs conjoints ou amants pour les rendre « chauds comme braise ». Et un proverbe de l’époque affirmait : « Quand un homme au lit […] ne peut aimer sa femme qu’une fois, qu’il mange ail et poireaux […] et la nuit suivante il l’aimera trois fois. »

Au-delà de ses effets thérapeutiques réels ou supposés, l’ail a souvent eu, chez de nombreux peuples, la réputation d’éloigner le mal y compris lorsque celui-ci prenait la forme du « mauvais œil », des individus malfaisants, du diable, des sorcières ou des vampires suceurs de sang humain. La puissante odeur de ce végétal n’avait donc pas que des inconvénients : elle était jugée suffisamment répulsive pour tenir à distance toutes ces sources de danger. Une technique courante consistait à accrocher quelques têtes d’ail au-dessous de la porte d’entrée de la maison ou de l’étable, ou d’en faire un collier. Les légionnaires romains portaient parfois un morceau d’ail autour du cou pour se protéger des coups mortels de leurs ennemis. Certains voyageurs en faisaient autant, de même que les marins et les toreros pour se prémunir des périls du voyage ou des assauts du taureau.

Les Alliacées dans la gastronomie

« L’air, en Provence, est imprégné d’un parfum d’ail qui le rend très sain à respirer » note Alexandre Dumas dans son Grand dictionnaire de cuisine publié en 1873. L’ail est de fait très présent dans les plats populaires du Midi de la France ainsi que dans ceux du sud-ouest : aïoli, tomates provençales, brandade de morue nîmoise ou sétoise, cassoulet de Castelnaudary (au célèbre ail rose de Lautrec), tourin à l’ail… Bien d’autres plats, moins liés à une région précise, font également de l’ail un ingrédient incontournable. Que serait un rôti de bœuf ou un gigot d’agneau sans les lamelles d’ail que l’on insère dans la viande avant de la passer au four ? L’ail figure également en bonne place dans les farces qui accompagnent les volailles, les escargots ou encore les moules farcies.

Les textes et livres de recettes du Moyen Âge attestent, dès cette époque, de l’emploi de l’ail pour confectionner de nombreuses sauces. L’une des les plus appréciées était l’aillée. Elle était constituée d’ail, d’amandes et de mie de pain pilés ensemble puis dilués dans un bouillon de légumes ou de viande. Dans le Viandier, le grand cuisinier Taillevent (XIV° siècle) donne trois recettes de sauces à l’ail : la « saulce aux aulx camelins » (l’usage de cannelle, une épice alors très coûteuse, donnait à cette sauce la couleur de la robe du chameau, d’où l’adjectif camelin), la « saulce aux aulx blans » (l’ail blanc était séché après avoir été récolte à maturité) et la « saulce aux aulx vers » (ces derniers étaient récoltés avant maturité et consommés frais). On peut s’étonner de trouver l’ail dans des recettes destinées aux princes et aux nobles, c’est-à-dire à des personnages qui, on l’a dit, méprisaient les « bulbes », ces « épices des pauvres ». Mais le goût fort de l’ail plaisait à certains « puissants » qui, pour cette raison, pouvaient apprécier les sauces proposées par le maître-queux Taillevent.

Aujourd’hui comme hier, l’ail peut être employé cru (par exemple dans des huiles aromatiques utilisées pour l’assaisonnement) ou cuit. La cuisson a pour avantage de réduire nettement son goût et d’accroître sa digestibilité (on peut aussi utiliser l’ail « en chemise », c’est-à-dire non débarrassé de ses enveloppes). Si l’ail cultivé (Allium sativum) est de très loin l’espèce la plus consommée dans le monde, deux autres espèces d’ail sauvage relativement fréquentes en France - l’ail des ours (Allium ursinum) et l’ail rocambole (Allium scorodoprasum) - sont parfois utilisés, elles aussi, comme condiments ou pour décorer l’assiette.

            Des aulx se distinguent…

L’ail rose de Lautrec, dans le Tarn, serait cultivé depuis le Moyen Age. Aujourd’hui, 160 producteurs environ perpétuent cette tradition séculaire. C’est le seul ail à bénéficier, depuis 1966, d’un label rouge. Obtenu il y a cinquante ans, ce signe officiel garantit que l’ail de Lautrec possède une qualité gustative supérieure. Il a été complété trente ans plus tard par l’obtention d’une IGP (Indication Géographique Protégée) : ce label européen atteste que la production est réalisée dans une zone géographique précisément délimitée. Comme le label rouge, l’IGP implique le respect d’un cahier des charges et son contrôle par un organisme certifié indépendant.

L’ail fumé d’Arleux est la spécialité de la petite ville éponyme du département du Nord (elle est située entre Cambrai et Douai). Cet ail rose de printemps est cultivé dans la région depuis plus de deux cents ans. Les bulbes sont fumés pour accroître leur durée de conservation, qui peut atteindre une année. Réalisé en utilisant comme combustible la tourbe extraite des marais voisins, ce fumage confère à l’ail d’Arleux une couleur brune et un goût particuliers. Cultivé par une soixantaine de producteurs, le bulbe bénéficie lui aussi d’une protection européenne : l’IGP Ail d’Arleux.

Chacun l’a appris à ses dépens : lorsqu’il est coupé ou haché pour être cuisiné, l’oignon fait pleurer. Lors de la rupture des parois cellulaires, de l’alliinase est libérée et transforme un des précurseurs soufrés en un composé fortement lacrymogène. Chacun sait aussi que lorsqu’il est bouilli ou frit, l’oignon devient tendre et sucré. Ce légume-condiment très apprécié des Français est un des ingrédients majeurs de nombreuses quiches, mélanges de légumes ou soupes… comme la succulente gratinée des Halles, la « soupe à l’oignon des petits matins ».

« Plumez les ognons et les émincez bien menus et par rouelles et les frisez au beurre assez longuement et y mettez un peu d’eau pour garder qu’ils ne brûlent et assemblez purée de pois ou d’eau et y mettez verjus et persil. » Cette recette de soupe à « l’ognon » date du XIV° siècle. On la trouve dans le Viandier, le célèbre livre de cuisine médiévale déjà évoqué. On y notera l’emploi du verbe friser (frire) qui fait référence au fait que les oignons et autres ingrédients que l’on faisait frire dans l’huile se recroquevillaient et finissaient par ressembler à des cheveux frisés. Quant au verjus, il s’agit d’un jus de raisins verts, c’est-à-dire non parvenus à maturité : il donnait aux préparations culinaires une saveur acide, très appréciée au Moyen Âge.

Une autre version de cette soupe à l’oignon est mitonnée quatre siècles plus tard, lorsque Stanislas Leszczynski, duc de Lorraine et roi déchu de Pologne, se rend à Versailles pour rendre visite à sa fille, Marie Leszczynska, devenue l’épouse de Louis XV. Stanislas fait étape dans une auberge de Châlons en Champagne où, selon la légende, on lui sert une soupe à l’oignon. Dans son Grand dictionnaire de cuisine, Alexandre Dumas raconte que le duc de Lorraine trouva celle-ci « si délicate et si soignée, qu'il ne voulut pas continuer sa route sans avoir appris à en préparer lui-même une semblable. Enveloppé dans sa robe de chambre, Sa Majesté descendit à la cuisine, et voulut absolument que le chef opérât sous ses yeux. Ni la fumée, ni l'odeur d'ognon, qui lui arrachaient de grosses larmes, ne purent distraire son attention ; elle observa tout, en prit note, et ne remonta en voiture qu'après être certaine de posséder l'art de faire une excellente soupe à l'ognon. »

Aujourd’hui, la paternité de la soupe à l’oignon est revendiquée à la fois par les Lyonnais et par les Parisiens, ces derniers préférant néanmoins l’appellation plus chic de « gratinée à l’oignon ». Dans l’antique capitale des Gaules, l’odorante et roborative soupe figure au menu des « bouchons », ces restaurants typiques où on peut également déguster du tablier de sapeur, de la cervelle de canut ou des quenelles lyonnaises. Les Parisiens avaient quant à eux l’habitude d’aller déguster leur gratinée dans le quartier des Halles, avant que celles-ci ne déménagent à Rungis. La soupe à l’oignon se consommait à l’aube, à partir de 4 ou 5 heures du matin. Elle réunissait dans un étonnant coude à coude les travailleurs - forts des Halles, bouchers, marchandes… - qui s’étaient levés au milieu de la nuit et les noctambules noceurs qui, eux, ne s’étaient pas du tout couchés. Smokings et robes du soir cherchant à dissiper les effets d’une nuit arrosée côtoyaient ainsi bleus de travail et tabliers venus reconstituer leurs forces ! Les établissements les plus courus du « ventre de Paris » étaient Le Chien qui fume et Le Pied de cochon (toujours en activité, ce dernier présente la particularité d’avoir des portes sans serrures car il demeure ouvert 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 !).

L’échalote peut quant à elle être consommée crue (ciselée finement dans des salades, avec du fromage blanc ou comme ingrédient de certaines sauces telle la béarnaise), cuite ou encore confite dans du vinaigre (pour accompagner les huîtres), voire sous la forme de confiture d’échalotes. La cuisson lui enlève son caractère piquant car les arômes sont transférés à l’huile ou au beurre. Lorsqu’elle est employée crue sur des viandes (sur une entrecôte par exemple), c’est la chaleur de ces dernières qui, faisant éclater les cellules de l’échalote, permet la libération des arômes.

On utilise couramment les feuilles crues de la ciboulette comme condiment dans les salades, les sauces, les omelettes et les fromages blancs (comme dans la fameuse « cervelle de canut » lyonnaise où elle côtoie l’échalote). On consomme également la ciboule (bulbe et feuilles) comme condiment. La cuisine asiatique emploie beaucoup la ciboule pour agrémenter les nouilles et le riz, les soupes et les salades ainsi que le canard. Et les Japonais, en guise d’apéritif, consomment des fritures de jeunes inflorescences de ciboule. Rappelons enfin que les civets de lièvre et de lapin doivent leur nom à l’emploi de la cive (ciboule) et de la civette (ciboulette).

Mots, proverbes et expressions populaires

Un proverbe du XVe siècle affirme que « le mortier sent toujours les aulx », ce qui signifie qu’on n’échappe jamais vraiment à son éducation, à son milieu d'origine, à ses anciennes habitudes… Plus récemment, le mot ail a été à l’origine de… chandail, apparu dans la langue française en 1894. Fabriqué à Amiens, ce tricot particulier était porté par les professionnels des halles de Paris qui faisaient commerce de l’ail, en d’autres termes les marchands d’ail.

L’expression « en rangs d’oignon » (c’est-à-dire bien alignés) n’a en revanche absolument rien à voir avec le légume et le potager ! Son origine est liée au sieur Artus de la Fontaine Solaro, baron d’Oignon. Le personnage officiait comme maître de cérémonie lors des Etats Généraux de Blois qui se déroulèrent en 1576. Sa fonction consistait à assigner aux députés des places correspondant à leur rang protocolaire. Le baron aurait eu l’habitude de crier: « Serrez vos rangs, Messieurs, serrez vos rangs »… ce qui aurait déclenché les moqueries de certains, agacés par ces « rangs d’Oignon ». Une autre explication prétend que plusieurs députés auraient jugé indigne la place qui leur avait été attribuée par le chef du protocole. D’où le sens initial de l’expression qui signifiait « participer à une réunion à laquelle on n’avait pas été invité » et où, en conséquence, on n’était pas à sa place. Bien d’autres expressions font référence aux oignons comme « s’occuper de ses oignons », être traité « aux petits oignons », etc.

Le verbe « poireauter » est né au XIX° siècle. Plus précisément, on utilisait l’expression « planter son poireau » pour signifier le fait qu’on attendait (depuis) longtemps. Cette manière de parler fait à la fois référence à l’image du poireau fiché bien droit et immobile dans la terre, et à celle de la personne qui « reste plantée ». Dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, le contremaître était appelé le « porion », c’est-à-dire le poireau en patois local : ce superviseur n’extrayait pas le charbon mais, immobile, surveillait les mineurs.

Enfin, les amateurs de rugby savent que le poireau est l’emblème du Pays de Galles (il fut introduit dans cette contrée par les Romains). Lors d’une bataille contre les Saxons en l’an 640, les guerriers gallois reçurent un conseil de Saint David. Pour aider ces derniers à se reconnaître entre eux (les uniformes militaires n’existaient pas encore), le Saint recommanda aux combattants gallois d’arracher des poireaux dans le champ voisin et d’en fixer des feuilles à leur chapeau. Un stratagème qui, bien sûr, leur donna la victoire !

Bibliographie

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ARVY Marie-Pierre et GALLOUIN François, Epices, aromates et condiments, Belin, 2003

BILIMOFF Michèle, Les remèdes du Moyen Âge, Editions Ouest France, 2011

BIRLOUEZ Eric, La Santé par l’alimentation – Diététiques de l’Antiquité et du Moyen Âge. Editions Ouest France, 2013.

BIRLOUEZ Eric, Histoire de la cuisine et de la nourriture – Du menu des cavernes à la gastronomie moléculaire. » Editions Ouest France, 2011.

DACHEZ Roger, Histoire de la médecine – De l’Antiquité à nos jours, Tallandier, 2012.

FLANDRIN Jean-Louis et MONTANARI Massimo dir., Histoire de l'alimentation, Fayard, 1996.

GAYET Mireille, Grand Traité des herbes aromatiques, Editions le sureau, 2012.

LAURIOUX Bruno, Manger au Moyen Âge. Discours et pratiques alimentaires aux XIV° et XV° siècles, Hachette Littératures, 2002

MARTY-DUFAUT Josy, Le Viandier. Recettes d'après Taillevent, Bayeux, Moyen Âge hors série n° 24, Editions Heimdal, 2007.

PELT Jean-Marie, Des Légumes, Fayard, 1993

PITRAT Michel et FOURY Claude, Histoires de légumes. Des origines à l'orée du XXIe siècle, INRA, 2003.

QUELLIER Florent, Gourmandise, histoire d’un péché capital, éd. Armand Colin, 2012.

TOUSSAINT-SAMAT Maguelonne, Histoire Naturelle et morale de la nourriture, Larousse, collection In Extenso, 1997

 

Ail, o[i]gnon et autres Alliacées : approche historique, culturelle et culinaire

Garlic, onion and other Alliaceae : historical, cultural and culinary approach

BIRLOUEZ Eric, Cabinet Epistème - 10, rue de la Paix, 75002 PARIS (France).

ericbirlouez @wanadoo.fr

Mots-clés : Alliacées, ail, oignon, poireau, échalote, histoire culturelle, gastronomie.

Keywords: Alliaceae, garlic, onion, leek, shallot, cultural history, gastronomy.

Résumé 

Parmi ses plus illustres représentants, la famille des Alliacées compte l’ail et l’oignon ainsi que l’échalote, le poireau, la ciboulette et la ciboule. Originaires du continent asiatique, ces végétaux appartiennent au genre Allium dont une des caractéristiques est l’odeur et le goût singuliers de ses membres, particulièrement marqués dans le cas de l’ail. La consommation des Alliacées, plantes dont la culture est relativement aisée, est fort ancienne. Elle était déjà pratiquée il y a plus de 4000 ans par les habitants de l’ancienne Mésopotamie et de l’Egypte pharaonique. Chez les Grecs et les Romains de l’Antiquité, ail, oignon et poireau occupaient également une place importante dans l’alimentation et de nombreux bienfaits pour la santé leur étaient attribués. A l’époque médiévale, en France, les potagers de subsistance consacraient toujours une large place aux Alliacées dont la production constituait un rempart contre les disettes. En revanche, ces légumes-condiments « populaires » étaient méprisés par les élites sociales, d’autant plus qu’ils provenaient de la terre, l’élément de la Création le plus dévalorisé. A l’instar des autres légumes, leur réhabilitation commencera timidement à partir de la Renaissance (XVI° siècle). Aujourd’hui encore, les Alliacées conservent de très nombreux usages culinaires et ont même acquis un réel intérêt gastronomique. On les rencontre par ailleurs au détour de nombreuses expressions populaires.

Summary

Among her more famous representatives, the family of Alliaceae counts the garlic and the onion as well as the shallot, the leek, the chive and the spring onion. These vegetables are native of the Asian continent and belong to the Allium gender of which one of the main characteristics is the odor and the taste, particularly marked in the case of the garlic. The consumption of Alliaceae, plants whose culture is relatively easy, is extremely old. She was already practised more than 4000 years ago by the inhabitants of old Mesopotamia and pharaonic Egypt. Among the Greeks and the Romans, garlic, onion and leek also occupied an important place in the food, and many benefits for health were allotted to them. In the medieval times, in France, the kitchen gardens of subsistence always devoted a wide place to Alliaceae whose production constituted a rampart against the food shortages. On the other hand, these “popular” vegetable-condiments were scorned by the social elites, and especially as they came from the ground, the element of the Creation the most depreciated. Following the example of other vegetables, their rehabilitation will start timidly from the Renaissance (XVI° century). Today still, Alliaceae preserve very numerous culinary uses and even acquired a real gastronomical interest. In addition, we meet them in many popular expressions.

[1] (1) Nous aurions pu écrire ognon sans le i, en accord avec la réforme de l’orthographe qui entrera en vigueur à la rentrée scolaire 2016-2017.

[2] (Jean Bottéro, La plus vieille cuisine du monde, Audibert, 2001).

 

[3] Rapporté par Al-Bukhârî, chapitre de l’appel à la prière, n°855 et Muslim, chapitre des mosquées, n°73-564.

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